QUELLE MEDECINE POUR DEMAIN ?

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Nicolas Sarkozy vient d'être élu Président de la République. Certains s'en réjouissent, d'autres se lamentent.. Quoi qu'il en soit, il a devant lui un défi et non des moindres : réformer le système de santé français ! Car le problème se pose en termes très simples : pourrez-vous trouver demain un médecin de famille compétent -c'est à dire dont les connaissances seront régulièrement remises à jour, disponible, capable de vous accorder un rendez-vous le jour même ou tout au plus le lendemain ? Rien n'est moins sûr...

Une chose est sûre en revanche, c'est que le nombre de médecins, généralistes en particulier, ne cesse de décroître. Aujourd'hui, le nombre de généralistes exerçant en France est de 54 000. En 2025, nous ne serons plus que 31 000. Or le vieilissement général de la population entraîne un nombre croissant de consultations. Si l'on consulte un généraliste en moyenne 3,5 fois par an à 50 ans, on le consulte  5,2 fois par an à 70 ans et plus de 7 fois par an après 75 ans.  Dans 20 ans, il y aura donc en moyenne 23 000 généralistes en exercice en moins et ceux qui resteront devront assurer 50 millions de consultations supplémentaires. Autant dire que la crise actuelle de l'accès aux soins ne va pas cesser demain... Déjà certaines régions rurales sont totalement dépourvues de généralistes. Dans les villes de moyenne importance comme Orléans, aucun des médecins généralistes ayant cessé son activité n'a été remplacé depuis quatre ans !

caduce.jpgPersonne ne peut dire que cette situation ne pouvait pas être prévue. De là à dire qu'elle a été sciemment programmée il n'y a qu'un pas, facile à franchir. On sait qu'il faut en moyenne 10 ans pour former un médecin, on connaît par ailleurs l'âge et la durée de carrière de ceux qui exercent, l'équation du remplacement des générations est donc -en théorie- facile à réaliser pour le premier énarque venu. Or on a volontairement limité le nombre de médecins formés chaque année. Certains planificateurs hautement qualifiés sont certainement partis du principe que moins il y a de médecins, moins il y a d'actes médicaux et donc moins il y a à rembourser. Or c'est bien  le contraire qui est en train de se produire, sans que nos dirigeants consentent à renverser la vapeur ! On a tous parmi nos relations, des jeunes gens motivés qui n'ont pu passer le barrage de la première année de médecine -le fameux "concours" qui s'est transformé en une véritable pompe à fric pour les Instituts de préparation sans le secours (très onéreux) desquels il est illusoire d'espérer réussir-  après avoir été "sélectionnés" sur des matières qui n'ont rien à voir avec leur futur métier. Parallèlement, certaines communes démunies sont contraintes d'accueillir des médecins étrangers, Allemands, Hongrois, Polonais, Roumains, etc. afin de combler les places laissées vacantes par des médecins français  partis en retraite ou reconvertis à cause de leur épuisement. Sans remettre en question la valeur ou la compétence de ces confrères venus d'ailleurs, trouvez-vous que ce soit là une situation raisonnable et logique ?

Il est donc plus qu'urgent que nos dirigeants se penchent sur ce problème complexe et contribuent à rendre l'exercice de la médecine générale plus attractif pour les jeunes générations. Concrètement, cela veut dire quoi ? Un métier attractif qu'est ce que cela voudrait dire pour vous ? On peut imaginer un métier intéressant, valorisant, et rémunéré à la hauteur des efforts ou de l'investissement personnel qu'il exige. Un médecin généraliste travaille en moyenne 60 heures par semaine. La rémunération annuelle qu'il en retire est bien en dessous de ce que peut gagner n'importe quel cadre supérieur dont les études auront été largement moins longues et pénibles et la durée de travail hebdomadaire largement plus réduite (sans compter les primes, stock options, 13ème voire 14ème ou 15ème mois dans certaines banques...). Les médecins généralistes français sont parmi les moins bien rémunérés en Europe, et ceci n'est pas normal. Il n'est pas normal non plus que pour augmenter, ou plutôt conserver tout simplement son pouvoir d'achat, un médecin n'ait d'autre moyen que d'augmenter le nombre de ses consultations quotidiennes. Or ceci ne peut se faire qu'au détriment du temps consacré à chaque patient, c'est à dire de la disponibilité du médecin et de la qualité des soins dispensés à chacun. Ceci encore est absurde !

Alors d'où peut venir la solution pour redonner envie aux jeunes générations d'embrasser cette carrière par ailleurs formidable ? Des caisses de Sécurité Sociale qui fixent le montant de nos honoraires ? Elles sont vides ! Vides non pas à cause des médecins de ville qui prescrivent trop et mal. Ils ont fait la preuve depuis deux ans qu'ils étaient capables de se remettre en question et de réviser leurs pratiques pour prescrire moins et différemment. Vides plutôt, comme souvent en France, à cause du gaspillage, de la gabgie et des mauvaises gestions épinglées chaque année dans le rapport de la Cour des Comptes.  La solution peut elle venir d'une refonte complète du système avec un changement du mode de rémunération des médecins qui seraient payés non plus simplement à l'acte mais selon des forfaits ? Il semble que la profession soit bien trop attachée à l'exercice libéral et à la rémunération à l'acte pour accepter une telle révolution culturelle. Alors il est à craindre, chers patients, que la solution vienne une fois de plus de votre propre portefeuille... Sauf si Nicolas arrive à nous tirer de ce mauvais pas. Après tout, ensemble, tout n'est-il pas possible ?

Publié dans Humeurs

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