ARRET DU TABAC : TOUT LE MONDE PEUT Y ARRIVER !

Publié le par Dr Max Fleury

Législation de plus en plus contraignante (interdiction totale de fumer dans tous les lieux publics àpartir du 1er janvier 2008), augmentation du prix du tabac : les français sont de plus en plus nombreux à vouloir arrêter de fumer. Seulement voilà , quiconque en a fait l'expérience sait que l'affaire est loin d'être évidente. Voici quelques pistes de réflexion et conseils, qui ne remplaceront pas une consultation chez votre médecin traitant ou un tabacologue, mais qui vous aideront à y voir plus clair et à ne pas vous décourager.

Lors de mes consultations, j'évite de parler d'arrêt du tabac. Pour le fumeur dépendant (physiquement ou psychologiquement), cette expression signifie qu'il va devoir renoncer bon gré mal gré à quelque chose qui est certes néfaste pour sa santé, mais dans lequel il trouve malgré tout plaisir et satisfaction. 

ARRETER DE FUMER N'EST PAS UNE QUESTION DE VOLONTE

J'invite donc plutôt mes patients à devenir non fumeurs, c'est-à-dire d'envisager un véritable changement de statut, tout comme l'on passe par exemple de l'état de célibataire à la vie de couple, de locataire à celui de propriétaire, ou encore de couple sans enfant à celui de parents. N'importe quel nouveau statut implique certains renoncements volontaires pour trouver d'autres satisfactions.  

Devenir non fumeur n'échappe pas à la règle. Et s'il s'agit non plus simplement d'arrêter de fumer mais de changer son statut, il n'est plus alors bêtement question de volonté (sous-entendu, il y a ceux qui en ont et qui peuvent y arriver... et les autres), mais c'est bien de MOTIVATION qu'il s'agit.
 

Il faut donc, pour le candidat non-fumeur, trouver les arguments de sa propre motivation. 
- Arguments santé : fumer m'expose aux maladies cardio-vasculaires et aux cancers...
- Arguments esthétiques :
fumer ternit ma peau et mes cheveux, jaunit mes dents, me donne une mauvaise haleine...
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Argument plaisir :
fumer m'empêche de goûter à d'autres plaisirs des sens, gastronomie, parfums, etc.
- Arguments financiers :
avec mon budget annuel consacré au tabac, je pourrais m'offrir de belles vacances...
- Arguments socio-politiques : les compagnies de tabac me manipulent, me rendent dépendant et font des bénéfices sur ma santé...

A chacun de chercher ce qui le motive le plus et qui l'aidera à étayer sa décision !

Je joue sur les mots me direz-vous ? Peut-être, mais rien de ce qui peut aider à se débarrasser de cette addiction ne peut être considéré comme superflu, tant l'épreuve peut être délicate, voire pénible. Dans les mauvais moments, ceux de doute et de tentation qui ne manqueront pas d'arriver, il est alors bon de se rappeler que l'on a fait un choix volontaire, éclairé, solidement argumenté  et non que l'on a décidé un jour de se priver sur un coup de tête, d'une chose qui nous apportait jusque-là une certaine satisafaction. Cette nuance peut ête déterminante pour vous aider à tenir ferme dans les moments difficiles.

PROGRESSIVEMENT OU TOTALEMENT, A VOUS DE CHOISIR

On disait hier que pour se débarrasser de la cigarette, rien ne valait la radicalité. Au jour J, à l'heure H, il convenait de jeter paquets, cartouches et cendriers, dans une sorte de rituel conjuratoire qui permettrait de ne plus jamais y revenir. On sait aujourd'hui que cette méthode peut marcher pour certains mais rebuter tous ceux qui considèrent que la marche est beaucoup trop haute à franchir. A ceux là, je conseille de réhabiliter le bon vieil étui à cigarette. Vous savez, celui -argenté ou en écaille- que les dandys sortent élégamment de leur poche intérieure ou les mondaines de leur sac à main. Offrez-vous donc cet accessoire qui vous donnera un petit côté Second Empire, mais surtout qui vous permettra de rationner votre quantité de cigarettes pour la journée ! Vous pouvez par exemple décider de réduire d'un quart chaque mois votre consommation quotidienne et charger chaque jour votre étui de la quantité de cigarettes que vous vous autorisez. A vous ensuite de gérer cette restriction volontaire. Et si votre étui est vide à 13 heures, il vous faudra tenir bon jusqu'au lendemain matin. Peu à peu, vous réussirez ainsi à vous habituer à fumer de moins en moins. Une diminution qui est salutaire pour la santé. Car si l'on sait que le risque cardiovasculaire augmente de façon exponentielle avec chaque cigarette fumée, l'inverse est aussi vrai.
La bonne cigarette, c'est donc celle que vous ne fumez pas !

LES AIDES POUR ARRETER

Compte-tenu de tout ce que je viens d'énoncer, les aides médicales au sevrage tabagique viennent en second. Elles sont en quelque sorte une béquille pour passer un cap difficile en sachant qu'il n'existe aucune solution-miracle et que "celui qui fait le boulot", c'est bien vous !

Première aide : votre médecin traitant. Des études ont montré que 85% des tentatives d'arrêt spontannées "non médicalisées", sont vouées à l'échec. Les consultations médicales vous aident à comprendre les mécanismes de la dépendance et du sevrage, vous permettent de bénéficier d'une prescription d'aide au sevrage (voir plus loin), et d'être suivi et encouragé tout au long de cette période délicate au cours de laquelle vous pouvez à tout moment rebasculer du mauvais côté. Votre médecin peut vous aider à combattre la nervosité, l'anxiété ou les sensations de dépression qui accompagnent parfois l'arrêt du tabac. Et puis, comme un coach, votre thérapeute saura vous remotiver au moment où vous serez prêt à craquer. Alors faut-il plutôt consulter un tabacologue ou bien votre médecin de famille ? L'un et l'autre disposent des mêmes moyens pour vous aider. Tout dépend en fait du temps que votre médecin généraliste est disposé à vous consacrer et de sa motivation pour aborder ce problème. Car vous connaissant le mieux, c'est à mon avis lui le mieux placé pour vous aider.

Deuxième aide : les produits prescrits par votre médecin. Ils sont actuellement au nombre de trois : les substituts nicotiniques, le bupropion (Zyban®) et plus récemment la varénicline  (Champix®).

Les substituts nicotiniques. La nicotine inhalée avec la fumée de cigarette ne met que quelques secondes pour parvenir au cerveau où elle va se fixer sur des récepteurs spécifiques dits "nicotiniques", ce qui va avoir pour effet d'activer le système dopaminergique. Cet apport rapide de nicotine au cerveau entraîne des effets psycho-actifs : plaisir, détente, éveil, stimulation intellectuelle, effet anti-dépresseur et anxiolytique, effet coupe-faim. Les substituts nicotiniques sont destinés à remplacer cette nicotine inhalée et éviter ainsi l'effet de manque. On en trouve essentiellement sous forme de patch (dispositifs transdermiques) ou de gommes à mâcher. Le patch délivre de la nicotine en permanence au travers de la peau. Les récepteurs nicotiniques sont donc bloqués (pas de sensation de manque) et du fait de cet apport continu, sans pic sanguin, il n'existe pas d'effet psycho-actif, donc pas de dépendance.  Les formes orales permettent un apport intermittent en fonction des besoins de la journée et sont intéressantes pour contrôler ponctuellement une envie de fumer. Il est possible, voire bénéfique en termes de résultat, d'associer les deux formes de substitution. Les échecs de la substitution nicotinique sont essentiellement liés au sous-dosage. Certains patients très dépendants peuvent nécessiter un patch à 21 mg/24 h sur chaque épaule pour ne plus avoir envie de fumer ! En cas de surdosage peuvent apparaître certains symptômes désagréables : diarrhée,palpitations, nausées, maux de tête, mais rien de dangereux ne peut se produire.

Le bupropion (Zyban®). Il s'agit d'un anti-dépresseur de type amphétaminique. Son efficacité dans le sevrage tabagique a été démontrée dans plusieurs essais thérapeutiques contrôlés. Les méta-analyses font apparaître une supériorité légère mais régulière du bupropion par rapport au traitement de substitution nicotinique. La durée habituelle de traitement par le bupropion est de 8 semaines en moyenne.Son mode d'action dans cette indication est encore inconnu précisément. Ses effets indésirables sont nombreux et plus ou moins fréquents. Les plus fréquents sont, entre autres, des troubles digestifs (sécheresse buccale, nausées et vomissements, douleur abdominale, constipation, etc.), des troubles nerveux (insomnie, maux de tête, etc.) ou cutanés (éruption, démangeaisons, sueurs, etc.). Il est contre-indiqué en cas d'allergie à l'un des constituants, en cas troubles convulsifs présents ou passés, en cas de tumeur du système nerveux central, d'anorexie mentale ou de boulimie, de certains troubles psychiatriques ou d'insuffisance hépatique grave.

La varénicline (Champix®). Dernier-né des aides au sevrage tabagique, il s'agit d'un agoniste des récepteurs nicotiniques, autrement dit une sorte de nicotine "fantôme" qui se fixe sur les mêmes récepteurs et qui stimule la libération de dopamine, réduisant le désir de fumer et les manifestations du sevrage tabagique. Trois études récentes ont été publiées, comparant son efficacité au placebo et au bupropion. Dans deux études, la varénicline a été supérieure au placabo et au bupropion après 12 semaines de traitement et encore 40 semaine splus tard (Gonzales D. et al, JAMA 2006; 296 : 47-55, Jorenby DE et al, JAMA 2006; 296 : 56-63). Dans la 3ème étude, son intérêt dans le maintien de l'abstinence a été montré par 12 semaines de traitement supplémentaires par rapport au placebo. Les effets indésirables
identifiés  sont principalement des nausées, observées chez environ un tiers des patients (28,6%), ainsi que d’autres troubles digestifs, constipation, digestions difficiles, ballonnements et moins fréquemment, des maux de tête, des troubles du sommeil et les rêves anormaux. La varénicline peut entraîner des sensations vertigineuses et une somnolence et par conséquent peut influencer l'aptitude à conduire des véhicules et à utiliser des machines. Il est donc recommandé aux patients traités de ne pas conduire ni d' utiliser de machines complexes. Le patient doit fixer une date d’arrêt et commencer la médication une semaine avant l’arrêt du tabac avec un dosage progressif. Le traitement dure en principe 12 semaines.  Si les études révèlent que la varénicline, administrée pendant 12 semaines, permet en moyenne de tripler les chances de succès d’un arrêt du tabac après une année de suivi (par rapport au placebo), il est judicieux de souligner auprès des fumeurs que ce traitement n’est, toutefois, pas une  «recette miracle». Certains aspects devraient, de plus, être pris en compte : il est essentiel que le patient soit motivé à arrêter de fumer. En outre, les patients randomisés dans les études concernant la varénicline étaient en stade de préparation, selon les stades motivationnels de Proschaska et Di Clemente. Il serait donc contre-productif d’employer cette aide chez des fumeurs uniquement attirés par l’aspect «nouveauté» du produit et ne possédant pas une réelle motivation intrinsèque. Pour toutes ces raisons, il est possible que l’utilisation de la varénicline dans la pratique générale n’entraîne pas des taux d’arrêt aussi élevés que ceux observés dans les études (participants en bonne santé, motivés, suivis et soutenus de manière rigoureuse).

CHAMPIX® ET RISQUE SUICIDAIRE

L'Agence Européenne du Médicament (Emea) a analysé les données européennes de pharmacovigilance depuis l'autorisation de mise sur le marché de la varénicline. Des cas de troubles de l’humeur et des idées suicidaires, voire exceptionnellement des tentatives de suicide ont été enregistrées à plusieurs reprises, en juillet, octobre et novembre 2007. En conséquence, l'Emea a conclu lors de sa réunion de décembre 2007 qu'il était nécessaire d’actualiser les informations destinées aux professionnels de santé (le Résumé des Caractéristiques du Produit) et aux patients (notice) pour les mettre en garde sur le risque de dépression, d’idées suicidaires ou de tentative de suicide survenant chez les personnes souhaitant arrêter de fumer avec Champix®. Toutefois, la relation de causalité n’est pas établie entre la prise du médicament et ces symptômes, qui peuvent apparaître également lors de tout sevrage tabagique sans médicament. On sait en effet que 30% des patients qui arrêtent de fumer peuvent souffrir de symptômes de dépression.

Pour certains patients, l'arrêt du tabac peut, c'est vrai, se révélér une véritable épreuve psychologique : anxiété, irritabilité, insomnies, dépression viennent perturber considérablement la vie du candidat au sevrage et celle de son entourage ! Ces manifestations doivent être anticipées et traitées. La médicalisation du sevrage permet justement d'éviter ces écueils. Un traitement sédatif léger, voire anxiolytique ou même anti-dépresseur peut s'avérer très utile, temporairement, pour passer un cap difficile et augmenter les chances de succès. 

Les psychothérapies comportementales et cognitives sont aussi des techniques d'aide au sevrage tabagique qui sont validées et recommandées dans ce cadre.

Parfois, en début de sevrage, peut aussi se manifester une sensation de fatigue liée à l'absence du shoot de nicotine. Cette situation peut être améliorée par une cure de 2 semaines de vitamine C, à raison de 1 gramme par jour.

LA PRISE DE POIDS N'EST PAS UNE FATALITE

La nicotine diminue l'appétit et augmente le métabolisme. L'arrêt du tabac entraîne une diminution des besoins caloriques d'environ 200 Kcal/j, d'où un prise de poids possible si les habitudes alimentaires restent les mêmes, d'autant que l'appétit peut être stimulé. Une prise de poids de quelques kilos est fréquente au début du sevrage (2/3 des patients environ). Cette situation peut être évitée ou limitéeen respectant quelques règles de base : 
- ne pas sauter de repas,
- ne pas grignoter entre les repas,
- corriger son alimentation en privilégiant les fruits et les légumes,
- prendre un petit-déjeuner consistant,
- boire en abondance entre les repas,
- augmenter son niveau d'activité physique.
Si ces mesures simples ne suffisent pas, il ne faut pas hésiter à recourir aux conseils d'une diététicienne, ou à consulter son médecin si des pulsions alimentaires compensatrices surviennent, signes d'anxiété ou de dépression...

Les enquêtes les plus récentes révèlent que 60 à 80% dfes fumeurs souhaitent arrêter de fumer. On ne peut que regretter que dans notre pays les aides au sevrage tabagique ne soient pas remboursées (ou si peu... à hauteur de 50 euros par an !). Tous les systèmes européens de santé, mêmes les plus économes, remboursent totalement l'arrêt du tabac car, en fin de compte, le sevrage est d'une rentabilité absolue du point de vue de l'économie de la santé. Un simple exemple : une intervention chirurgicale chez un fumeur expose à un risque de complications multiplié par trois, comparé à la même intervention chez un non-fumeur (complications cardiovasculaires ou respiratoires, infection, mauvaise cicatrisation...).

Alors si vous tentez l'aventure de devenir non-fumeur au premier janvier 2008  n'hésitez pas à vous faire aider, consultez votre médecin, appelez Tabac-Info-Service (0825 309 310), ne négligez aucune aide, mettez tout en oeuvre pour y arriver, vous ne le regretterez pas !

... Et si vous reprenez la cigarette après quelques semaines ou quelques mois, ne vous découragez pas ! Les études montrent qu'à chaque fois que l'on reprend , les chances de réussir définitivement augmentent un peu plus, car entre temps, on aura analysé les raisons de cet échec et l'on en ressortira encore plus motivé ! 

Meilleurs voeux de bonne santé -sans fumée- pour 2008 !

Publié dans Prévention

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C
Article très intéressant. S'arrêter de fumer demande de la volonté et une grande motivation. Cependant, tout est possible.
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